Doctissimo, 27 mai 2016

DoctissimoDans les années 2000 en France, une nouvelle profession a fait son apparition dans le monde de la grossesse : les doulas. Quelles formations suivent-elles ? En quoi consiste exactement ce métier ? Pourquoi les professionnels émettent des réserves au sujet de cet accompagnement non médical ? On fait le point.

Qu’est-ce qu’une doula ?

Le terme doula signifie servante en grec ancien. C’est dans les années 1980 qu’apparaît aux Etats-Unis, une nouvelle profession sous cette dénomination. « La doula est une femme qui offre au couple un accompagnement émotionnel, physique et pratique au cours de la grossesse, pendant et après l’accouchement, en complément du suivi médical effectué par une sage-femme ou un gynécologue-obstétricien », explique Pascale Gendreau, cofondatrice de Doulas de France.

Pour ce faire, la doula s’appuie sur son expérience de la maternité et éventuellement sur des connaissances théoriques acquises au cours de formations de courte durée allant de quelques heures à 30 jours. Les thèmes abordés au cours de celles-ci ? La physiologie de la grossesse, de l’accouchement et de l’allaitement, le baby Blues et la dépression maternelle, la place du père…

Le rôle de la doula

« La doula ou accompagnante à la naissance offre un espace d’écoute au couple », indique la cofondatrice de Doulas de France. Les futurs parents vont par exemple pouvoir exprimer leurs interrogations ou inquiétudes sur les changements de leur relation de couple entraînés par l’arrivée de bébé, ou encore aborder la sexualité pendant la grossesse. « Vous pouvez poser à la doula toutes les questions que vous n’osez poser ni aux personnes qui vous suivent au niveau médical ni à vos amis », explique Pascale Gendreau. La doula donne aussi des renseignements pratiques : ce qu’il faut acheter pour le bébé, comment installer sa chambre, quel sera le rythme avec un bébé, comment préparer l’aîné à l’arrivée d’un autre enfant… Elle les aide à établir leur projet de naissance. Pendant l’accouchement, elle est présente si l’équipe médicale le permet et peut aider la mère par des encouragements. Précisons cependant qu’il est assez rare en France que la doula puisse être présente à l’accouchement. Une doula aide également à l’organisation du quotidien dans les premiers temps après la naissance : soutien à l’allaitement, gestion ponctuelle des aînés, formation au portage en écharpe… « En fait, le travail de doula est un service d’aide à la personne », résume Pascale Gendreau.

D’après plusieurs études, lorsqu’une femme est accompagnée par une doula lors de l’accouchement,  le travail est plus court, le besoin de médication plus faible et il y a moins de recours à des extractions instrumentales ou à des césariennes1,2. « Il existe aussi des études qui mentionnent une réduction considérable des dépressions post-partum et un vécu de l’expérience du devenir parent plus positif et serein », souligne Pascale Gendreau.

Une doula, combien ça coûte ?

Les doulas proposent en général un forfait comprenant 10 visites au domicile des parents avant et après la naissance, la présence lors de l’accouchement, une disponibilité totale par téléphone, une aide pratique, le prêt de documents. Le coût moyen de ce service ? 400 à 600 euros, soit environ 50 euros par mois sur 10 mois. « Un tarif supérieur doit alerter », prévient Pascale Gendreau.

Comment alors faire le choix d’une doula ? « Il faut absolument contacter une doula qui a rejoint un réseau », avertit Pascale Gendreau. « Les doulas ayant rejoint une association ont une formation, elles ont signé une charte de déontologie », explique-t-elle. Lorsque vous prenez contact avec une doula, vérifiez qu’elle ait bien signé la charte, qu’elle soit bien à jour de ses cotisations associatives, et demandez-lui des références. Seule une doula formée saura répondre à vos attentes.

Doulas : les réserves des professionnels de la naissance

Les ordres professionnels ont émis des avis négatifs au sujet des doulas, estimant qu’elles pouvaient présenter un danger pour les patientes si elles sortaient de leur cadre d’accompagnante. « A l’association Doulas de France, nous comprenons ces réserves et même nous les partageons », confie Pascale Gendreau. « Comme ce métier est non reconnu, n’importe qui peut s’improviser doula et les dérives sont possibles », reconnaît-elle. Certaines doulas peuvent ainsi militer pour les accouchements naturels ou outrepasser leur rôle en donnant des conseils médicaux. Autre critique : les doulas empiéteraient sur le rôle des sages-femmes et gynécologues-obstétriciens, un des aspects de leur métier étant l’accompagnement de la femme enceinte. Le Pr Israël Nisand, professeur de gynécologie-obstétrique au CHU de Strasbourg, estime ainsi « que lorsque la sage-femme ou le gynécologue-obstétricien fait bien son travail, la femme enceinte n’a pas besoin de doula ». « Doulas et sages-femmes sont complémentaires », répond Pascale Gendreau. « Comparer le travail de la sage-femme et celui de la doula n’a pas plus de sens que de comparer la profession de médecin-gériatre et celle d’auxiliaire de vie. Tous deux interviennent auprès des personnes âgées, mais l’un dans un cadre médical et l’autre dans un cadre de service à la personne », conclut-elle.

Ecrit par : Anne-Sophie Glover-Bondeau

Sources :
– Interview du Pr Israël Nisand, 11 mai 2016
– Interview de Pascale Gendreau, 18 mai 2016
– Brochure C’est quoi une doula ? Association Doulas de France
– Marie Mailliot, Faut-il avoir peur des doulas ? Mémoire Ecole de Sages-Femmes Albert Fruhinsholz, promotion 2013, Université de Lorraine

1 – Marshall, Phyllis Klaus and John Kennell, The Doula Book How a Trainer Labor Companion Can Help You Have a Shorter, Easier and Healthier Birth Second edition- Perseus Press, 2002
2 – Références des études ici : www.rcm.org.uk