20 Minutes, 24 février 2024, par LIna Fourneau

Sur les réseaux sociaux, les doulas – un métier non reconnu par le milieu périnatal – publient leurs conseils pour faire un « bébé lotus ». Une pratique « inutile et dangereuse », selon l’Ordre national des sages-femmes

[…] Lire la suite de l’article sur le site 20 Minutes

À propos de cet article, le regard de DDF

Voici quelques extraits de l’article que nous souhaitons commenter afin d’amener un regard plus large sur ce qui est avancé, qui nous semble parfois biaisée, voire à charge.

  • « les doulas – un métier non reconnu par le milieu périnatal »
    Tout dépend ce que l’on entend par « reconnu ». Nombre de professionnel·les de la périnatalité, sages-femmes, gynécologues, maternités incluses, travaillent de concert avec des doulas. Nombre de pays voisins reconnaissent la pratique des doulas comme une pratique bénéfique pour les familles. Nombre d’études scientifiques attestent de ces bénéfices.
  • « La pratique du « bébé lotus » […] est promue par les doulas »
    Cette pratique est promue par « des » doulas et pas toutes « les » doulas. Nous aimerions avoir des chiffres sourcés : combien de doulas exactement en font la promotion ? Au regard de combien de doulas exerçant en France ?
  • « Les doulas proposent aussi d’autres usages du placenta »
    Même chose que précédemment « des doulas » n’est pas synonyme de « les doulas ». Est-ce juste de dire que « Les sages-femmes sont maltraitant·es » ? « Les sages-femmes sont contre l’avortement » si seulement quelques-un·es sont concerné·es ?
  • « Mise en avant sur les réseaux sociaux des doulas » « Pour les doulas et les adeptes du bébé lotus »
    Où sont les sources ? Combien de doulas sont concernées ?
  • « en 2006, la pratique était déjà montrée comme dangereuse et sans utilité »
    Quelles sont les sources scientifiques qui démontrent le danger et l’inutilité de l’accompagnement par une doula ? Combien de doulas ont été jugé·es dangereux·ses depuis 2006 ?
  • « Il y a des professionnels de santé compétents et qualifiés étant disponible pour accompagner les mères et les couples sur le plan médical et émotionnel : les sages-femmes »
    Est-ce que l’accompagnement émotionnel est du seul ressort des sages-femmes ? Doit-on de fait se passer de l’accompagnement de nos proches, de nos ami·es, des doulas ? Les sages-femmes sont-elles disponibles les week-end, en soirées, de la période du désir d’enfant jusqu’à plusieurs mois après la naissance, plusieurs heures d’affilée pour accompagner émotionnellement les familles ? A notre sens, nos métiers sont complémentaires. Oui la profession de sages-femmes mérite une plus grande reconnaissance, l’association Doulas de France les a toujours soutenues en ce sens (et des sages-femmes nous disent qu’avec les doulas elles voient bien plus de parents faire appel à elles), cependant les doulas peuvent aussi coexister, c’est un moyen de plus de soutenir les familles dans la période périnatale. Il n’y a jamais trop de soutien, si ce soutien est juste.
  • « Orienter ces familles vers ces professionnels – qui n’en sont pas – serait dangereux »
    La grande majorité des doulas sont professionnel·les, elles exercent soit en tant que salarié·es, soit au sein d’une micro-entreprise pour la plupart.
    Serait-il possible de nous démontrer le danger annoncé de la présence d’une doula en soutien aux familles ?
  • « Des doulas auraient tenté de contacter l’Ordre pour l’intégrer, mais ont toujours essuyé des refus. »
    Comment est-il possible d’intégrer l’Ordre sans avoir le diplôme de sage-femme ?
  • « Il est toujours possible de trouver des profils de doulas sur Doctolib, cachés derrière des profils d’infirmières ou de psychologues »
    Si Doctolib vérifie les informations professionnelles des profils, alors ces personnes sont bien infirmières ou psychologues qui se disent également doulas, et pas des doulas qui usurpent des titres auxquels elles n’auraient pas droit.
  • « la plupart des sites de doula »
    Combien de sites de doula exactement ? Sur tous les sites des doulas de notre association, à ce jour et sauf erreur de notre part, aucun ne parle de ce sujet-là.
  • « juridiquement, le placenta n’appartient plus à la femme après son accouchement »
    En effet, les formations de doulas informent les personnes en formations de ce sujet. La majorité des doulas formées sont donc au courant de ce cadre juridique. A noter que ce cadre est variable selon les pays, ainsi le placenta peut être récupéré par les familles qui le souhaitent par exemple en Allemagne, Canada, Espagne, Finlande, Pays-Bas, Portugal, République Tchèque, Russie, Suisse, Turquie. L’Italie et la Slovénie ont le même cadre qu’en France.
  • « les doulas oublient les lois »
    Une fois de plus « des » doulas oublient les lois, et nous -association Doulas de France- le déplorons tout autant. Cependant il serait agréable de ne pas mettre toute une profession sous les projecteurs alors que la grande majorité exerce convenablement (et une plus grande majorité encore si nous étions plus encadré·es). Tout comme nous ne disons pas que le métier de sage-femme ne devrait pas exister sous prétexte que les pratiques de certain·es sages-femmes sont dangereuses.

Nous aimerions que le CNOSF prenne le temps de rencontrer les doulas de l’association Doulas de France. Nous exerçons depuis plus de 20 ans, avec un cadre défini, sans qu’aucune plainte n’ait été déposée contre une doula de notre association depuis sa création. Et si tel était le cas, cette doula serait entendue et radiée de notre association si les faits étaient avérés. Le CNOSF ne cesse de dire « les doulas » sans nous avoir rencontré·es, sans connaître la réalité de notre métier, en imaginant une pratique délétère et ne correspondant pas à la réalité, sans comprendre le cadre posé par Doulas de France. Aucune doula de DDF ne promeut le placenta lotus, ni n’impose sa vision de la naissance aux familles qu’elle accompagne. Le sujet de ne pas imposer sa vision ou une seule vision aux personnes que l’on accompagne est essentielle pour nous et pose la base de notre pratique.

Nous aimerions également que la journaliste ayant rédigé cet article et la représentante du CNOSF, se basent sur des faits chiffrés et vérifiés, qu’elles ne fassent pas de cas particuliers une généralité. Si la rigueur scientifique est de mise concernant le placenta lotus, elle devrait l’être tout autant sur les autres informations avancées dans cet article.

Ni sage-femme ni psy : la doula, soutien émotionnel pour femme enceinte aisée - Libération juin 2024

20240224-20-minutes

Dérives • Sur les réseaux sociaux, les doulas – un métier non reconnu par le milieu périnatal – publient leurs conseils pour faire un « bébé lotus ». Une pratique « inutile et dangereuse », selon l’Ordre national des sages-femmes

Lina Fourneau Publié le 24/02/2024 à 14h02

L’essentiel

  • La pratique du « bébé lotus » qui consiste à conserver le placenta attaché au bébé pendant quelques jours après la naissance est promue par les doulas. Cette pratique est considérée comme dangereuse et sans fondement scientifique par l’Ordre des sages-femmes.
  • Les doulas proposent aussi d’autres usages du placenta après l’accouchement comme l’encapsulage ou l’utilisation à des fins décoratives.
  • Selon l’Ordre des sages-femmes, l’inclusion des doulas dans le système médical serait dangereuse. Pourtant, certaines continuent malgré tout à proposer leurs services sur des plateformes médicales comme Doctolib.

Sur Instagram, plusieurs photos de bébés défilent sur notre feed, entre plusieurs vidéos d’animaux mignons. Ici un labrador sur une balançoire, là une tortue qui se fait brosser sa carapace et là un nouveau-né entouré de petites fleurs. C’est joli, à première vue. Mais en regardant de plus près, le petit sachet recouvert d’un drap est retenu par un cordon qui le relie au bébé. Aussi surprenant que ce soit, il s’agit bien du cordon ombilical et dans ce panier bien décoré se cache le placenta du nouveau né. Cette pratique est celle du « bébé lotus », mise en avant sur les réseaux sociaux des doulas, un métier très controversé dans le monde périnatal.

Sur le compte de Julie, une doula, le « bébé lotus » est présenté comme de l’art, voire comme une recette de cuisine. « Un lotus qui fonctionne, c’est un lotus bien réalisé. Pour commencer, posez le placenta sur une alèse, au moins une heure afin que cette dernière absorbe le sang. Retirez les deux couches de membranes ». Ajoutez du gros sel et voilà.

Nous n’irons pas plus loin dans la méthode. Grosso modo, le « bébé lotus » revient à laisser le cordon ombilical du bébé au placenta jusqu’à ce que ce dernier tombe tout seul trois à dix jours après la naissance. Pour les doulas et les adeptes du « bébé lotus », cela aiderait le nourrisson à se prémunir des infections, protéger son système immunitaire et renforcer le lien mère-enfant.

« C’est impossible »

Une pratique, complètement « ésotérique », voire « dangereuse », tranche Anne-Marie Curat, trésorière et ancienne président de l’Ordre national des sages-femmes. « Garder le placenta et attendre qu’il sente mauvais et qu’il tombe, c’est trop. Puis, il y a des risques d’infection ». La pratique ne servirait même à rien, scientifiquement parlant. « De dire que le bébé continuera à être alimenté par le placenta, c’est impossible. A partir du moment où le cordon ne bat plus, soit cinq minutes après la naissance, il n’y a plus de circulation à l’intérieur. Les vaisseaux sont collabés et il y a dessiccation. Il tombera naturellement, c’est la physiologie ». Hors de l’utérus, le placenta ne fonctionne donc plus. « Et le rôle du placenta est avant tout de favoriser les échanges », souligne la sage-femme Anne-Marie Curat.

Au sein du conseil de l’Ordre, les doulas inquiètent depuis de nombreuses années. Dans un rapport publié en 2006, la pratique était déjà montrée comme dangereuse et sans utilité. Encore aujourd’hui, le conseil de l’Ordre, garant de la sécurité des soins, insiste : « Il y a des professionnels de santé compétents et qualifiés étant disponible pour accompagner les mères et les couples sur le plan médical et émotionnel : les sages-femmes ». Depuis des années, Anne-Marie Curat et d’autres alertent donc de la présence de ce métier « toxique ». « L’inclusion de ces personnes dans le système périnatal serait inadmissible en France. Orienter ces familles vers ces professionnels – qui n’en sont pas – serait dangereux ». Des doulas auraient tenté de contacter l’Ordre pour l’intégrer, mais ont toujours essuyé des refus.

L’encapsulage ou l’enterrement, les 1.000 vies du placenta

Malgré cet obstacle pour la reconnaissance du métier, il est toujours possible de trouver des profils de doulas sur Doctolib, cachés derrière des profils d’infirmières ou de psychologues. Une situation alarmante pour l’Ordre des sages-femmes qui à son tour alerté la plateforme – qui avait promis d’éradiquer de sa plateforme les spécialistes de la médecine douce à l’automne 2022.

En ligne, le « bébé lotus » n’est pas la seule pratique avancée par les doulas qui subliment le placenta après l’accouchement, en opposition au système hospitalier qui le voit comme « un déchet », accusent la plupart des sites de doula. Sur le compte de « Accoucher sereinement », sur Instagram, plusieurs solutions s’offrent à nous : Le lotus, l’encapsulage du placenta (une pratique qui consiste à le cuire à la vapeur pour l’avaler en gélules), l’enterrement sous un arbre ou une petite empreinte à encadrer sous forme de tableau.

La loi dit « non »

Chacun ses choix de décoration pour les toilettes, mais il faut tout de même replacer l’église au milieu du village. Après un accouchement, le placenta ne peut pas être utilisé n’importe quoi. D’après la loi de bioéthique de 1994, révisée en 2011, « le placenta ne peut être collecté qu’à des fins thérapeutiques ou scientifiques si la femme accouchée ne s’y est pas opposée ». Aucun usage personnel ne peut en être fait, car juridiquement, le placenta n’appartient plus à la femme après son accouchement.

Mais rien n’y fait, les doulas oublient les lois derrière de mauvais prétextes tels qu’un « mon corps, mon choix ». L’occasion pour Anne-Marie Curat, de l’Ordre des sages-femmes, de faire son mea culpa face aux violences médicales subies pendant des années dans la prénatalité. Mais aujourd’hui, une prise de conscience a eu lieu. « Il y a eu a mise en place d’alternatives pour une prise en charge plus individualisée », rassure la professionnelle.