« On a besoin que les gens partagent notre travail pour gagner en visibilité »
Jeune maman de deux enfants de 5 ans et 2 ans et demi tous deux nés à domicile, Abigail (elle préfère qu’on l’appelle Abi) milite au sein du CDAAD depuis la naissance de son deuxième bébé. Femme active aux journées bien remplies, elle a le militantisme ancré dans les veines : sa mère était déjà membre du CDAAD à ses débuts, et elle a assisté à la naissance de son frère dans le cocon de la maison. Quoi de plus naturel que de vouloir œuvrer dans cette association au niveau national à laquelle elle a été quasiment biberonnée (devrait-on dire allaitée ? tout au moins initiée dès le plus jeune âge en accompagnant sa mère lors d’actions militantes), et dont le cœur de l’action fait sens depuis toujours, elle pour qui la question de l’accouchement à domicile n’était pas un sujet puisqu’il était une évidence pour donner naissance.
La voilà donc depuis deux ans membre du CA de l’association. Et elle ne chôme pas entre son métier de formatrice en éducation populaire, son rôle de mère de deux petits, la formation qu’elle suit, et ses missions pour l’association. Elle est en effet chargée, entre autres, de répondre aux propositions de salons ou événements où le CDAAD pourrait intervenir, d’évaluer l’intérêt des sollicitations, de prévoir la gestion du stand et de la boutique sur les lieux de représentation. Ce qui l’occupe également énormément ces temps-ci, c’est la réalisation d’une exposition photo itinérante qui sera à découvrir aux Journées de l’Accouchement Accompagné à Domicile [ndlr : les JAAD se tiendront cette année les 11 et 12 octobre 2024 à Marseille]. « Cette exposition est importante pour nous, elle permet de démocratiser l’accouchement à domicile à travers des images et de l’information. Elle permet aussi d’être source de revenus pour l’association et de financer d’autres actions organisées par le CDAAD. »
Un choix à défendre pour peser auprès des instances publiques
Naturel pour elle, l’accouchement accompagné à domicile ne lui posait pas de questions. « Je n’avais rien à déconstruire autour de ce sujet, ma mère m’avait déjà tout transmis. Mais grâce aux Papot’AAD*, j’ai commencé à échanger avec d’autres mères et je me suis rendue compte du besoin en France de se battre pour ce droit d’accoucher à domicile et qu’il n’est pas du tout un choix habituel. C’est vraiment ce que j’ai compris via le CDAAD. C’est là qu’est né pour moi mon engagement et cette volonté militante d’agir pour défendre ce choix. »
Sur les 250 adhérent⸱es environ, que compte le CDAAD, Abi explique qu’une bonne moitié est arrivée à l’association après une prise de conscience d’un premier accouchement « souvent cata, en se disant plus jamais ça ! », et seulement une minorité de personne avaient une connaissance de ce qu’est l’AAD.
« Aujourd’hui, nous avons besoin de plus d’adhésions. Plus nous serons nombreux, plus nos voix sont entendues pour représenter les usagers. Le CDAAD a en effet été entendu dans le cadre des travaux de la Fédération Française des Réseaux de Santé en Périnatalité. Le Sénat nous a sollicité, le CDAAD est reconnu maintenant par les instances politiques. »
La force du collectif
Abi souligne par ailleurs le travail régulier et étroit du CDAAD avec l’APAAD (Association Professionnelle de l’Accouchement Accompagné à Domicile), ainsi qu’avec d’autres associations d’usagers. « Le CDAAD a vraiment un rôle de représentation des usagers. S’ils rencontrent des problèmes avec un hôpital lorsqu’ils expliquent leur choix d’AAD, sont confrontés à un refus de prise en charge, à des soucis avec des soignant⸱es, à des remarques, etc. nous pouvons envoyer des courriers aux établissements, à l’ARS, aux député⸱es, nous interpellons les différents ordres, et nous rappelons le travail réalisé avec la FFRSP. Si des parents ne trouvent pas de sage-femme par exemple pour les accompagner, nous faisons le lien avec l’APAAD, et interpellons les autorités compétentes. Notre voix est ainsi bien plus entendue que de manière individuelle. »
Pour autant, ce travail prend du temps. Abi le reconnaît : tenir un registre des remontées des usagers, écrire des courriers, répondre aux sollicitations, organiser des actions, « les délais sont souvent longs car nous ne sommes qu’une dizaine de bénévoles pour répondre à toutes nos missions. Nous avons besoin de plus de monde. »
Le site du CDAAD recense d’ailleurs les besoins en compétences : juridique, rédaction, correction, réseaux sociaux, veille médiatique, représentation… Tout est là : https://cdaad.fr/agir/ .
Parlons Naissance, le podcast et autres projets en cours
Et comme les idées fusent au CDAAD, il ne s’arrête pas là : le collectif a lancé en septembre son podcast (disponible sur Amazon Music, Spotify, Deezer, Ausha). Là aussi, le tâche est conséquente, à commencer par la récolte de témoignages, même si l’équipe dédiée a trouvé sa routine de travail. « De ce côté, nous n’avons pas spécialement besoin de volontaires mais identifier des familles prêtes à raconter leur histoire, enregistrer leur témoignage, faire le montage, cela prend aussi énormément de temps. »
Pour être entendu, le CDAAD continue ses actions et est en train de préparer une enquête sur le ressenti des usagers, l’idée étant d’obtenir des données chiffrées et des éléments concrets à présenter aux instances politiques et de santé sur le vécu des femmes et des familles lors d’un accouchement accompagné à domicile. Si des bénévoles veulent participer à la distribution et au recensement des données, ils sont les bienvenus ! Et s’ils peuvent contribuer à faire connaître l’association, c’est encore mieux : « Nous avons besoin que les gens partagent notre travail pour gagner en visibilité » rappelle Abi. Message reçu.
Papot’AAD* : visioconférences mensuelles lancées par le CDAAD en 2023 ouvrant un espace d’échange entre les parents et des animatrices.teurs de l’association pour donner la parole à tous.
Quelles sont les missions du CDAAD ?
L’association assure des missions de représentation (auprès des autres associations d’usagers, des professionnels de santé, des pouvoirs publics – DGOS, HAS…), des missions d’analyse, de réflexion et de propositions, et des missions d’information auprès du grand public (communication et supports d’information) et des médias, et participe à des animations nationales.
Avec en ligne de mire, l’intégration à terme de l’accouchement à domicile dans l’offre de soins périnataux et sa pérennisation.
Bon à savoir
En France, comme dans de nombreux pays, l’accouchement à domicile fait partie de l’offre de soins : il est légal, remboursé en partie par la sécurité sociale et par certaines mutuelles. Il reste toutefois un reste à charge conséquent pour les familles car trop souvent, les mutuelles ne prennent pas suffisamment en charge le différentiel et appliquent le tarif de la sécurité sociale (environ 400 €).
Dans la pratique, il représente toutefois moins d’1 % des naissances car l’organisation des soins du système français ne permet pas de répondre à la demande de tous les parents. En effet, les sage-femmes pratiquant l’AAD sont de moins en moins nombreuses (une centaine environ en France).
Depuis 2002, la loi Kouchner oblige chaque professionnel⸱le de santé à souscrire à une assurance Responsabilité Civile Professionnelle et celle des sage-femmes pratiquant l’AAD est trop onéreuse pour permettre à la majorité de s’assurer.
Quelques chiffres
- Selon l’enquête IFOP de février 2021, plus de 30 % des futurs parents souhaiteraient accoucher à domicile s’ils en avaient la possibilité.
- Le taux d’hémorragie sévère après un AAD est de 0,55 %, soit 3,5 fois moins qu’en population générale.
- Le taux d’épisiotomie est de 0,3 % contre 20 % en moyenne en milieu hospitalier, un taux qui monte à 35 % pour les primipares.
- 65 % des femmes ont un périnée intact, soit 2 fois plus qu’en population générale
(Source chiffres : APAAD.fr)