Échographie, péridurale, épisiotomie… Quand on parle de la naissance d’un bébé on a parfois l’impression qu’il s’agit d’une intervention grave nécessitant toute l’assistance du corps médical dans son ensemble.
Si à l’aube d’une grossesse, vous êtes un peu perdues dans un monde inconnu et qui fait peur, ces grosses maternités appelées par certains les « usines à bébés », rassurez-vous les doulas sont là pour vous ! Et avec elles, de nouvelles pratiques plus humaines pour des naissances moins médicalisées.
Être enceinte n’est pas être malade. Pourtant aujourd’hui en France, une femme qui déclare une grossesse va passer le plus clair de son temps entre consultations, analyses en laboratoire et examens médicaux, généralement sans qu’on lui en explique les raisons. Et au moment de la naissance, ce n’est pas de sa joie de devenir mère qu’il va être question mais de protocoles médicaux dans un environnement totalement aseptisé.
Redonner leur place aux parents
« La naissance est un moment d’exception – rappelle pourtant Isabelle Bar – pour bien être il faut bien naître ! » A l’occasion des journées « Graines de parents » la sage-femme devenue formatrice a redit quelles difficultés ont souvent les futurs pères et mères pour s’imposer dans cet épisode si important de leur vie de couple : devenir parents.
Souvent, rappelle-t-elle, « on a réfléchi pour eux » et on ne les invite pas à « se poser les vraies questions ». Pour elle « humaniser la naissance, c’est humaniser toute la société ». Une conviction partagée par les organisateurs de ces deux jours centrés sur la parentalité avant et après la naissance. Démonstrations de portage, de massage ou de chant prénatal, échanges sur l’allaitement ou l’alimentation, présentation de la pédagogie Montessori ou des maisons de naissance, il était clair que la médecine n’avait que très peu sa place dans cette histoire-là.
Et c’est bien justement le cheval de bataille d’Isabelle Bar et de ses ami-es du collectif Liber’Naitre, organisateur de ces journées qui revendiquent la possibilité pour tous de « vivre une naissance respectée ». Aujourd’hui en France la naissance est d’abord et surtout envisagée par la lorgnette médicale. Si depuis longtemps les accouchements sont classés en trois catégories (niveau 1, 2 et 3) en fonction des risques encourus par la mère et l’enfant, c’est le plus souvent dans un niveau 3 que les bébés français voient le jour alors que plus de 80% des naissances sont jugées parfaitement physiologiques, c’est-à-dire sans aucune pathologie.
« De nombreux gestes qui entourent la naissance sont devenus des gestes de routine imposés par le besoin de rentabiliser les structures – explique encore Isabelle Bar – et les parents jouent un rôle mineur. » Pour elle, les parents devraient être plus informés et plus responsabilisés. Il ne s’agit pas de nier l’apport de la technique mais bien de la remettre à sa place et de ne pas l’imposer systématiquement. L’idéal pour l’ancienne sage-femme serait que « les grossesses débutantes s’inscrivent d’emblée dans un suivi de premier recours et non pas comme c’est souvent le cas deviennent l’affaire des gynécologues, spécialistes de la pathologie. » Une façon dit-elle de réduire les prises en charge de la sécurité sociale. « Si on réservait réellement les services de niveau 3 aux grossesses qui le nécessitent, les personnes qui en ont besoin auraient un meilleur suivi avec notamment des personnels ayant plus de temps pour s’occuper d’elles. » Et tout le monde ferait des économies.
Ecouter, rassurer, être là
Gwenn Le Coz et Solenn Minier ne disent pas autre chose. Pour elles, la grossesse et l’accouchement ce n’est pas d’abord l’affaire de la médecine mais bien une affaire de femmes. Elles sont doulas et revendiquent un lourd héritage. « On remplace les tantes, les mères, les voisines… toutes ces femmes qui autrefois entouraient les femmes enceintes – explique Solenn Minier – Les femmes sont de plus en plus seules à ces moments-là et nous, nous voulons retrouver la transmission de femmes à femmes. »
Les doulas sont encore peu nombreuses en France et ne sont qu’une petite dizaine pour toute la Bretagne. Elles trouvent l’origine de leur nom dans le mot grec « doula » qui désignait l’esclave chargée de soutenir les femmes qui accouchaient. Actuellement, elles sont professions libérales, parfois bénévoles, et mettent le service au centre de leur action. « Je me définis surtout comme étant au service d’une personne – explique Solenn Minier – j’ai été formée chez les Doulas de France et au cœur de la formation, nous mettons toujours l’écoute, la relation d’aide. »
Leur travail, elles le définissent en quelques mots simples : une présence, une écoute, un accompagnement humain. Personne de référence pour la future maman, elles informent, orientent, aident à prendre les bonnes décisions et à faire les bons choix ; elles sont là, disent-elles, pour faire « émerger les besoins et les désirs ».
Et au moment de l’accouchement, les doulas sont toujours là ! « Nous préservons le cocon dont la femme a besoin pour accoucher sereinement » résume Gwenn le Coz. Si elle parle aussi d’une « bulle » protectrice pour la future maman, elle insiste sur le rôle qu’une doula va également avoir vis-à-vis du papa, souvent plus stressé encore. « On est là aussi pour le papa -dit-elle – il a souvent du mal à trouver sa place » Et Solenn Minier d’ajouter : « le papa est pris par l’émotion et notre rôle est aussi de le rassurer pour éviter que son stress ne contamine la maman. »
Une intimité rassurante
L’accompagnement d’une doula n’est pas réservé aux femmes enceintes. C’est bien le couple qui choisit cette présence durant la grossesse et quand cela est possible lors de la naissance. « On rencontre le couple au début de la grossesse – expliquent les deux jeunes femmes – on crée des liens avec eux, une sorte d’intimité qui va les rassurer au moment de la naissance. » Si celle-ci a lieu à domicile, la doula assiste la sage-femme ; s’il s’agit d’une naissance en maternité, elle est présente au moins en alternance avec le papa. Tous les établissements n’acceptent pas encore la présence de la doula en salle de travail, parfois parce que seul le papa est autorisé à être là, mais sans doute souvent aussi par défiance vis-à-vis de ces femmes dont l’action est encore méconnue des professions médicales.
Comme toutes leurs consœurs doulas, Gwenn le Coz et Solenn Minier espèrent pouvoir développer ces partenariats qu’elles connaissent déjà avec certaines sages-femmes acquises à leur cause. De toute façon, rappellent-elle « notre charte des Doulas de France nous interdit d’accompagner une femme qui n’aurait pas de suivi médical. »
« En France, on manque encore de dialogue – regrettent-elles aussi – en Angleterre il y a beaucoup de binômes sage-femme/doula et chacune trouve sa place ». Et les chiffres montrent que ça fonctionne plutôt bien puisque d’après deux enquêtes réalisées dans les pays anglo-saxons où la présence des doulas est plus ancienne et plus répandue qu’en France, on estime que les femmes qui choisissent ce type d’accompagnement subissent deux fois moins souvent de césarienne et diminuent de 25% leur temps de travail pré-natal mais qu’elles sont aussi beaucoup moins nombreuses à se déclarer anxieuses ou dépressives six mois après la naissance de leur bébé.
Geneviève Roy