Dans les traditions polonaises, il existe une phase dite de transition : la jeune femme n’est plus une enfant mais n’est pas encore mère. De nombreuses croyances étaient liées à cette période et les femmes en transition étaient considérées comme dangereuses pour elles-mêmes et pour leur entourage. On ne leur faisait pas confiance, on érigeait donc des listes de choses à faire ou ne pas faire de façon à ce que l’enfant soit en bonne santé. On ne connaissait pas les raisons des handicaps, malformation et les problèmes mentaux ou comportementaux. De nombreuses croyances existaient :

  • Le cordon ombilical était associé à une corde, donc la femme ne devait pas porter de choses nouées, pas d’écharpe, pas de nattes, interdiction de passer au dessus ou au dessous d’une corde à linge etc.
  • Interdiction de faire de la couture sous peine d’avoir le vagin cousu et des difficultés à accoucher, ou risque de se piquer ce qui piquerait le bébé et le blesserait.
  • Pas de bain sinon trop de fluide amniotique
  • Interdiction de boire directement l’eau d’un puits sous peine de rendre l’eau impropre à la consommation en provoquant une invasion d’insectes
  • Pas de coupe de cheveux sous peine de dommage au cerveau du bébé
  • Pas d’ultrasons car cela pourrait changer le sexe du bébé
  • Une marque brune et poilue sur le bébé était liée à une peur que la mère avait eue pendant la grossesse, du coup il ne fallait pas la contrarier
  • La taille du ventre ou la “beauté” de la femme enceinte permettait de connaitre le sexe du bébé

Notre conférencière nous a bien fait rire en nous racontant que lorsqu’elle était enceinte (il y a 2/3 ans), alors qu’elle se promenait dans le village avec son “gros” ventre, une voisine l’a arrêtée pour lui parler de sa grossesse, prendre des nouvelles etc. et a fini par lui demander le sexe du bébé. Quand la réponse a été donnée (une fille) cette voisine a reculé, observé la conférencière et lui a répondu : “Ah ben oui, je vois ça, tu es bien laide !”

Lors de la naissance autrefois il n’y avait pas de médecin, donc les femmes accouchaient avec des “accoucheuses”, plus ou moins compétentes mais respectées. Cependant, elles étaient considérées comme impures et ne pouvaient par exemple pas faire la cuisine pour autrui. Elles géraient grossesse, accouchement et postpartum. De nombreuses croyances circulaient parmi elles également : il fallait par exemple laisser toutes les portes et fenêtres ouvertes pendant l’accouchement (une “ouverture” qui rappelle la mythologie et l’histoire de Galanthis la doula ;-)) pour que le col s’ouvre bien. De la même façon, les cheveux devaient être libres.
Certaines croyances n’avaient apparemment aucune explication comme celle qui voulait que la femme soit assise sur les jambes de l’homme qui lui tenait le bas du dos, elle lui tenait la tête en soufflant dans une bouteille. Certains de ces rituels ont été expliqués par des anthropologues et considérés comme rationnels : par exemple mettre un sac de sable sur le ventre de la mère pour aider l’enfant à sortir… Le premier cas cité semble préférable, où l’on peut voir le père aidant le bassin à s’ouvrir et la femme contrôlant son souffle.
Dans l’entourage de la mère en train d’accoucher se trouvait tout un tas de femmes : mère, soeurs, cousines, amies, voisines etc. qui l’aidaient à bouger, à manger, à faire des compresses… Ces femmes étaient à peu près la seule chose qui pouvait aider à la naissance avant l’accès aux centres hospitaliers pour les grossesses à risques.

De nombreuses croyances étaient aussi liées au cordon, au sac amniotique, au placenta :

  • Le nombre de noeuds et de zones d’épaississement du cordon donnait le nombre de bébés à venir
  • Naitre coiffé portait bonheur et la “coiffe” était séchée et coupée en petits morceaux qui étaient ensuite cousus dans les vêtements du bébé
  • Le sang du cordon était utilisé dans le thé de la mère afin de soulager les douleurs de l’accouchement et les tranchées
  • Le placenta devait être enterré dans un endroit ou personne ne pourrait marcher dessus car sinon le bébé ne serait pas respecté et cela porterait malheur à la personne ou l’animal ayant foulé le sol de l’enterrement.
  • Une pièce était mise sur le cordon du bébé avant qu”il ne tombe afin de faciliter la cicatrisation et l’une des doulas présente nous a raconté que cela avait été fait pour son bébé, que la cicatrisation avait été très rapide et propre.

L’allaitement, le bébé et le sevrage aussi avaient leur lot de croyances :

  • On allaite d’abord au sein droit afin que l’enfant soit droitier et parce que la gauche est liée au diable.
  • Il fallait enrouler quelque chose de rouge autour du bébé pour le protéger du mauvais oeil (encore vivace) ou bruler du lin au dessus de sa tête
  • Il ne fallait rien attacher au niveau de la poitrine sinon le lait allait se tarir
  • Si on mettait un bébé sur un sein “vide” il deviendrait un menteur
  • Ne pas mettre un bébé sur un sein peu utilisé car le lait produit avait eu le temps de s’abimer
  • Le sevrage devait se faire selon certaines saisons (variables selon les régions), jours de la semaine voire heures. Pas d’allaitement long car le bébé (l’enfant) risquait de devenir obsédé par les seins, trop passionné ou fou, que ce soit une fille ou un gars
  • Il ne fallait pas allaiter plus de trois fois de suite un vendredi saint donc pas plus de 3 ans d’allaitement.
  • Le sevrage se faisait en mettant du poivre, du sel ou du charbon sur le mamelon et de la laine sur les seins pour faire peur au bébé (à l’enfant).

Les histoires de kidnapping d’enfants étaient monnaie courante. Ils permettaient d’expliquer pourquoi les enfants étaient handicapés, grossiers, laids etc. Le kidnapping était fait par un “fantôme”, une Mamuna. Ce fantôme était celui d’une femme morte pendant la grossesse, l’accouchement ou en postpartum et elle remplaçait ses enfants à elle qui étaient laids, difformes, avec une grosse tête, poilus, méchants par les beaux enfants des femmes vivantes qui étaient en pleine forme.

Ces Mamunas pouvaient aussi bien être extrêmement laides avec les seins tombants, les cheveux longs, des pieds énormes et poilus qu’ au contraire être de magnifiques femmes qui attiraient les mères loin de leurs enfants avec leurs belles paroles.
Le sort des enfants changés était catastrophique : on ne les considérait pas comme des êtres humains et ils étaient maltraités, battus, mal nourris, dans le but que la Mamuna ait pitié d’eux, vienne les reprendre et rende le vrai bébé. Pour protéger ses enfants contre un enlèvement, il fallait leur mettre un ruban et un bonnet rouge et les protéger de la lune.

Pendant les 40 jours suivant la naissance, les mères devaient rester chez elles car une Mamuna pouvait aussi prendre leur apparence et leur place dans la famille. Cela expliquait pourquoi certaines femmes devenaient fainéantes, méchantes. Pour protéger les mères de ces affreuses Mamunas, on ne la laissait pas seule, on la choyait pour qu’elle n’ait pas envie de sortir.

Au delà de toutes les croyances, ce qui était très intéressant était de voir que non seulement certaines existent toujours mais qu’elles existent dans d’autres pays sous d’autres noms ou rituels. Certaines semblent complètement farfelues alors que d’autres semblent avoir de bonnes raisons d’exister maintenant que l’on comprend mieux ce qui se passe autour de la naissance, comme l’importance de l’entourage (et donc aussi des doulas !) dans le bien être de la mère.