Radio-Canada.ca, 4 décembre 2016
Pas facile de se préparer à affronter le dernier sommeil, dans une société où la mort est toujours taboue. Des « thanadoulas » proposent d’accompagner des mourants et leurs familles vers le trépas, en leur donnant du soutien psychologique et en les guidant dans l’organisation de funérailles à la maison et de rituels plus personnalisés.
Don Morris a perdu son père à six ans. Il raconte que ses proches ont voulu le protéger en lui cachant ce qui venait de se passer. L’homme, maintenant adulte, se rappelle qu’il n’a pas vraiment pu voir le corps, ce qui lui aurait permis de mieux faire son deuil, dit-il.
Cette affliction mal cicatrisée l’a longtemps suivi, suffisamment pour qu’il se tourne vers la mort pour faire carrière. Ancien directeur funéraire, il donne depuis mai 2015 des ateliers, construits avec une collègue, pour enseigner comment accompagner des mourants et leurs proches avant et après le trépas. Il estime qu’environ 125 personnes y ont participé dans différentes villes de l’Ontario, de la Saskatchewan, de l’Alberta et de la Colombie-Britannique.
« Nous donnons de l’information sur le plan légal, logistique et pratique, mais aussi physique, sur comment garder un défunt de manière sécuritaire à la maison, comment le laver, l’habiller, le placer. Sur comment aussi être totalement présent pour que l’amour se répande et que la guérison puisse commencer », explique Don Morris à ses élèves lors d’un atelier à Nanaimo, sur l’île de Vancouver.
[su_quote cite= »Don Morris, cofondateur du Home Funeral Practicum »]Nous voulons que les familles reprennent le contrôle et s’impliquent dans les soins mortuaires.[/su_quote]
Thanadoula : qu’est-ce que c’est?
Une doula est une personne spécialement formée pour offrir un soutien non médical durant la grossesse, l’accouchement et la période postnatale. Pour guider les mourants et leur famille, des accompagnateurs de fin de vie ont ajouté le préfixe thana, raccourci de thanato, élément du grec qui fait référence à la mort.
Don Morris précise que les thanadoulas ne peuvent pas administrer les soins aux morts, mais peuvent orienter les familles sur la façon de le faire. Selon lui, célébrer des funérailles à la maison et s’occuper d’un défunt permet aux proches de mieux faire leur deuil.
Des funérailles « faites maison », chez soi
Don Morris insiste sur le fait que les familles peuvent organiser des funérailles à la maison en Colombie-Britannique sans passer par un service de pompes funèbres. Les coûts peuvent ainsi être moins élevés, mais Don Morris précise qu’il peut tout de même être plus simple d’être accompagné par un directeur funéraire pour les formalités administratives et le transport du corps.
Le directeur et propriétaire de la maison funéraire Evergreen Cremation Center à Ladysmith, au sud de Nanaimo, pense qu’un retour du balancier s’effectuera vers des funérailles plus traditionnelles. « C’est quelque chose qui existait il y a longtemps et qui revient, explique Kevin Owens. Je pense que la population en général voudra participer davantage. »
Il voit d’un bon œil l’idée de travailler avec des familles guidées par des accompagnateurs de fin de vie. « Ce ne sera pas pour tout le monde, mais pour ceux qui veulent le faire, c’est bien de pouvoir avoir des funérailles à la maison et de travailler avec les familles et d’exécuter ce qu’elles veulent », lance-t-il.
Il est d’ailleurs d’avis qu’avec le vieillissement de la population, plus de gens auront envie de faire carrière dans le domaine funéraire. « Je pense que plus de professionnels intéressés dans les soins mortuaires se manifesteront dans les prochaines années. Des professionnels formés pour aider les familles à faire la transition vers la mort », dit M. Owens.
Une pratique encore marginale
D’autres cours sont donnés au Canada par des personnes qui se décrivent également comme des « doulas de fin de vie », des thanadoulas ou des accompagnateurs de fin de vie. Toutefois, la pratique est encore marginale et il ne s’agit pas d’une profession régie par un ordre professionnel.
Les cours ne sont donc pas uniformisés. Don Morris soutient également que les tarifs pour les cours et les services varient grandement, ce qui rend difficile de donner une estimation des coûts. Toutefois, pour le cours à Nanaimo, les participants ont dû débourser 250 $ pour la fin de semaine.
Le suicide assisté : une occasion d’affaires?
Don Morris dit ne pas savoir quoi répondre quand on lui demande ce qu’il pense du suicide assisté. Selon lui, les thanadoulas pourraient intervenir une fois que la décision a été prise et que certaines démarches ont été entreprises. « Si quelqu’un souhaite être accompagné avec ses proches pour organiser une veillée à la chandelle à la maison, je pourrais certainement saisir l’occasion pour l’aider », précise-t-il.
Un texte de Fanny Bédard