Compte-rendu écrit par Valérie Degas, doula française vivant en Pologne

EDN1Au total, 42 doulas se sont retrouvées du 20 au 22 septembre 2013 à Zurich, en provenance de 12 pays : Allemagne, Autriche, Bulgarie, Espagne, France, Italie, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Royaume-Uni, Slovénie, Suisse

Nous étions logées dans un centre avec dortoirs, grande cuisine et salle de conférence. Nous avons été particulièrement bien reçues puisque des doulas nous ont chouchouté : en nous attendant à la gare pour nous mener sur les lieux de la rencontre, en nous préparant de délicieux repas que nous n’avons eu qu’à apprécier, et en nous faisant visiter la ville de Zurich, grâce au père d’une des doulas qui est aussi historien.
Ce furent trois jours d’échanges multi-langues : anglais, français, allemand et italien principalement, trois jours de partage sur les joies et les difficultés rencontrées par chacune dans son pays respectif. Chaque association était invitée à faire un poster de présentation et j’avais imprimé certaines des photos de notre exposition “Je suis doula et…“. Elles ont eu beaucoup de succès !

Première soirée, présentation du sujet “First bonding, safe bonding” par Annieck Rietbergen ( Pays-Bas)

L’idée principale était d’expliquer comment on peut assurer, supporter et préserver ce premier contact et permettre aux parents et à l’enfant de créer ce lien sécurisant dès les premières minutes de vie. Quel est le rôle de la doula dans ces moments-là ? Comment peut-elle préserver et protéger ces premiers instants, que l’enfant soit né par voie basse ou pas, en structure hospitalière ou pas ?
Annieck nous a rappelé que ce premier contact se fait de différentes façons : avec les mains et le toucher (importance du peau à peau, des mains sur bébé au lieu de sur la serviette…), avec la voix que ce soit celle du père ou de la mère (en aidant à établir le silence autour de la famille), avec l’odeur par un contact direct parents enfant ou à travers un objet portant l’odeur des parents si ils doivent être séparés de l’enfant…
Elle nous a rappelé aussi l’importance de l’environnement en tamisant les lumières, de préserver voire recréer un souvenir satisfaisant de la naissance en rappelant les choses positives que les parents n’ont pas vues, réalisées ou oubliées lors d’une naissance différente de ce qu’ils avaient imaginé. Il est important de préparer les parents à des alternatives à “la naissance parfaite” afin afin qu’ils puissent s’ajuster plus facilement à la naissance réelle et faire en sorte qu’elle reste un bel événement.

Présentation de Marie-Christine Gassman (sage-femme suisse) “Looking for confidence in a society focused on safety” ou “Comment garder confiance en soi dans une société qui demande de plus en plus de sécurité”

Elle nous a dit être très contente de l’existence des doulas ! Une belle note positive pour toutes celles qui doivent travailler avec des pincettes quand une sage-femme est dans les parages.

Elle nous a parlé d’une expérience en 3 temps :

  • Première situation, vous vous retrouvez sur une île, entouré de votre famille et de vos amis, sans moyen de communication avec l’extérieur et sans personnel médical. Que représente pour vous la naissance, accoucher dans ces circonstances ? En ce qui vous concerne ? En ce qui concerne le bébé ? Votre partenaire ? Votre entourage ?
  • Deuxième situation : même île, mêmes personnes plus une sage-femme expérimentée. Les questions restent les mêmes.
  • Troisième situation : même île, mêmes personnes plus une sage-femme expérimentée, un gynéco et un hôpital. Les questions restent les mêmes.

Les résultats de cette expérience ont montré que :

  • Pour la première situation, les personnes interrogées faisaient plus confiance à leurs instincts, à leur corps et aux informations qu’il donne, se sentaient responsables, une grande intimité, moins de stress et de difficultés, acceptaient la mort, le handicap et la maladie comme des issues possibles avec lesquelles il faudrait faire.
  • Pour la seconde situation, les gens envisageaient soit de laisser les responsabilité de certains choix à la sage-femme, soit ressentaient une perte de liberté, ou les 2 en même temps. Une tendance à plus faire confiance à la sage-femme qu’à son propre corps est apparue ainsi qu’un sentiment de plus de sécurité, de moins de peur, d’avoir quelqu’un qui prendra soin de la femme enceinte et du bébé et qui “en sait plus”.
  • La troisième situation a mis en évidence un sentiment de grande sécurité, d’aide, mais aussi de plus grande pression de la part du corps médical, plus d’informations et de confusion, moins d’intimité, moins d’autonomie car il faut défendre ses choix, moins de respect, moins de contrôle de la part des parents et un lien parent-enfant moins fort.

Pourquoi est ce que la présence du corps médical entraîne une perte de confiance en soi et de liberté ? Comment faire la part des choses et ne prendre que le bon dans le médical ?
Marie-Christine est aussi revenue sur l’importance de la création du lien, que la mère doit faire de la place pour son bébé dans sa vie, sa tête et que cela est facilité si la mère est supportée, si quelqu’un prend soin d’elle et de la même façon, cette personne qui supporte doit elle-même être entourée et supportée etc. Se crée alors un ensemble de cercles de support dont le bébé est le centre, puis vient la mère, ensuite le partenaire, la famille, les ami(e)s, les connaissances. Les professionnels de santé arrivent ensuite avec la possibilité de support, plus tôt en cas de souci. La doula a toute sa place dans cet assemblage de cercles de support et de soutien, à plusieurs niveaux.
L’important est que la mère puisse être en lien avec elle-même pour pouvoir se tourner vers son bébé.
Une belle image pour représenter cela est celle de la rose, avec en son centre le bébé, et chaque personne soutien est une pétale qui entoure le centre de la rose…

Atelier de Mirjam de Keizjer (auteur de “The rebozo technique unfolded”)

Elle nous a montré un certain nombre de positions sur chaise ou debout pour soulager la mère pendant le travail. Il est difficile de faire passer par écrit ce qui s’est passé en vrai, nous avons beaucoup reçu et donné le rebozo pendant cet atelier et un des atouts était que plusieurs d’entre nous utilisent le rebozo et l’ont adapté par des modifications de position de mains, de tensions de tissu etc ce qui a donné encore plus de valeur à cet atelier. Pour information, Mirjam vient de se lancer dans l’utilisation du rebozo pour les personnes âgées et a remarqué une diminution des douleurs articulaires chez les personnes qu’elle “rebozote” !
Je tiens aussi à insister sur le fait que celles qui utilisent le rebozo devraient en recevoir régulièrement ! Pensez aux pétales de la rose, vous avez aussi besoin d’être soutenues et dorlotées !

Conférence d’Elena Piantino, doula internationale si il en est, car d’origine mexicaine, ayant vécu une partie de sa vie aux USA et maintenant en Suisse Romande

Elle s’est lancée récemment dans la formation en français des doulas suisses et fait partie de l’association Co-Naitre. Cette association est née du constat qu’il peut être difficile de communiquer entre professionnels et avec les parents. Un lieu neutre peut favoriser cette communication et permet de mieux faire circuler l’information personne n’est “chez lui” et n’a plus de droit que les autres, tout le monde est au même niveau. Cela permet aussi à des personnes isolées dans leur pratique d’être en lien. Je vous mets ci dessous quels sont leurs objectifs :
Informer, accueillir, aider
Répondre aux besoins d’information, de soutien et d’écoute des parents et futurs parents et les orienter de façon personnalisée.
Centraliser
Rassembler et offrir les informations utiles afin que les parents puissent faire des choix en toute connaissance de cause.
Relier
Faciliter les liens entre les différents protagonistes et les échanges d’expériences et de soutien entre les parents.
Faire connaître
Regrouper en une base de données interactive les différentes prestations du réseau romand liées à la périnatalité (structures, associations, professionnels du corps médical et d’approches complémentaires). Organiser des événements (projection de documentaires, conférences, débats, salons, projets pédagogiques). Relayer des programmes et projets internationaux.
Tout ce petit monde cohabite et l’information circule!…

Exercice en groupe

EDN4Nous avons ensuite fait un exercice en groupe sur la création de slogans à partie de bout de phrases du genre “Notre contribution à un départ dans la vie en bonne santé c’est…”, “L’Europe a besoin de doula parce que…”. En tout 6 phrases à traiter par plusieurs groupes… de quoi se mettre les neurones en surchauffe et travailler en coopération. Ce fut un bel exercice de recherche, de réflexion et de découverte des autres. Ceci demandait de faire preuve d’ouverture et d’humilité… L’idée étant que les doulas d’Europe parlent d’une seule voix !
Au final, toutes ces phrases furent écrites et disposées sur des fils… Un beau rideau à l’entrée de la maison !

Ana Pavec nous a ensuite présenté la situation slovène en matière de naissance

Les sages-femmes sont peu présentes même si elles existent depuis 250 ans. Les parents ne leur font pas confiance, d’autant plus que seuls les gynecos-obstétriciens sont  habilités à faire des certificats de naissance. L’accouchement à domicile n’est pas interdit mais n’est pas régulé non plus si ce n’est que les sages-femmes ont besoin d’une licence pour avoir le droit de le pratiquer. Peu d’hôpitaux en Slovénie et certains devaient être fermés pour des raisons budgétaires mais la population a permis de les garder ouverts en manifestant contre leur fermeture.
Les doulas ne sont pas formellement interdites, il y a certains hôpitaux qui demandent de choisir entre la doula et le partenaire.
Une étude a été faite pour quantifier et identifier les pratiques en maternité : peu de sage-femmes, taux élevés d’épisiotomie (53%), présence du partenaire moyennant finance (88%), vulve rasée (87%), monitoring en continu (67%), position allongée obligatoire (1er stade : 80%, 2e stade : 79%), pas de boisson (58%), césarienne (13%), hôpitaux amis des bébés (86%) … au final, il a été mis en évidence que les femmes souffrent, n’ont pas accès aux analgésiques, que les anesthésistes ne sont pas toujours disponibles ni même présents dans l’établissement de soin.
Les sages femmes n’ont que peu de place et peu de droit et ont parfois moins de connaissances de la physiologie de la naissance que les doulas, n’ayant pas forcement accès à l’info, faute de moyen et de temps. Du coup, les doulas sont mal perçues par les sages-femmes. On retrouve une situation similaire à la France dans le sens où la peur et la méconnaissance de notre métier et la non reconnaissance de celui des sages-femmes par le reste du corps médical est une des raisons de la difficulté de travail entre sages-femmes et doulas.

Meeting European Doula Network

Le compte-rendu anglais sera traduit prochainement

EDN2

Présentation de Doulas W Polsce Stowarzyszenie (association des doulas en Pologne)

Ce fut une belle note d’optimisme ! Cette association est née en 2009 avec 40 personnes lors de la première session de formation. Elle a été immédiatement reconnue par le corps médical. Pour l’instant elles n’ont pas d’organisme de formation mais sont en train de le préparer. Elles ont déjà mis en place un système d’équivalence et par exemple accorde l’équivalence à la formation de I’Institut de Formation Doulas de France. Elles sont très actives, se sont lancées dans la traduction de différents livres qui n’existaient pas en polonais et ont fait une vidéo que l’ont peut comprendre sans parler un mot de polonais

Elles font régulièrement des projections de film, des sessions d’information pour les parents, de formation par divers intervenants polonais ou non, et m’ont vraiment donnée envie de les rejoindre !

Tentes rouges

Un autre « triple » événement a eu lieu et je ne peux que peu en parler puisque je n’ai pas participé. Il y a eu trois tentes rouges, menées par des personnes différentes. L’une d’entre elle était à thème, et chaque participante a pu s’exprimer à travers la sculpture sur argile. C’est une autre approche, une autre façon de gérer ses émotions. Les deux autres ont intégré le chant et notamment une a eu lieu un matin à 7h. Ce fut un merveilleux réveil que les voix de ces femmes, c’était très beau et puissant !

EDN3Je suis revenue revitalisée de ces journées, les échanges furent très riches et très intéressants et donnent envie de recommencer ce genre de partage.
Je joins quelques photos pour essayer de vous donner un peu l’ambiance générale.

Valérie Degas