CianeWiki, 11 juillet 2008

20080711-AFARL’Académie nationale de médecine contribue à la désinformation du public sur les sujets de l’accouchement à domicile et celui de l’accompagnement par un-e doula durant la grossesse, l’accouchement et les suites de couches.

Certains points du communiqué du 10 juin 2008, au sujet de la profession de doula, décrivent comme « potentiellement dangereuses » (1) des pratiques dont la littérature scientifique a établi qu’elles ne le sont pas.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS, après avoir compulsé la littérature scientifique disponible sur le sujet, a émis des recommandations pour la prise en charge d’un accouchement normal (2). Tous les bureaux de l’OMS, y compris européens, ont participé à l’élaboration de ces recommandations. Les pratiques passées en revue concernent aussi bien les pays en voie de développement que les autres. Certaines recommandations concernent même spécifiquement nos pays industrialisés puisque l’évaluation porte sur l’utilisation de technologies inexistantes dans les pays en voie de développement (monitoring en continu ou analgésie péridurale, par exemple).

Les études scientifiques nous apprennent que le jeûne imposé à une femme qui accouche est potentiellement dangereux car il contribue à son épuisement (3). D’autre part, l’interdiction de boire et de manger est dans nos maternités systématiquement compensée par la mise en place d’une perfusion de soluté glucosé dont il a été établi qu’elle peut s’avérer néfaste pour la femme et son bébé (voir (4) (5) (6) (7)).

Pour ce qui est de la durée de la phase d’expulsion du bébé, même si l’OMS reconnaît qu’après deux heures chez une primipare, la probabilité d’un accouchement spontané dans des délais raisonnables diminue, elle préconise que la décision d’interrompre le deuxième stade du travail soit avant tout basée sur la surveillance de l’état de la mère et du foetus et sur l’évolution du travail. Si tout se passe bien, il n’y a pas lieu de vouloir observer absolument une durée stipulée (8).

Pour ce qui est du recours aux forceps, l’OMS mentionne que la présence pendant l’accouchement de professionnels non qualifiés pour intervenir, mais désireux de préserver la normalité, peut apparemment prévenir des interventions superflues. « L’épidémie mondiale d’extractions instrumentales requiert une attention accrue car toute intervention superflue est dangereuse pour la femme et pour le nouveau-né » (8).

Les doulas, tout comme les femmes qu’elles accompagnent à la maternité ou à domicile, ne s’opposent pas à ce que soit effectuée une intervention médicale rigoureusement nécessaire.

La désobstruction des voies aériennes du nouveau né, tout comme l’aspiration gastrique, sont des gestes qui n’ont pas lieu d’être effectués en routine car, outre qu’ils sont désagréables voire douloureux pour le bébé, ils sont de nature à perturber la mise en route de l’allaitement (9).

L’Académie de médecine donne son assentiment à la pratique systématique d’interventions dont l’utilité n’est pas démontrée (voire dont la nocivité est avérée) et auxquelles de nombreux parents s’opposent aujourd’hui. Les doulas ne sont là que pour faire écho à ces requêtes ; elles n’en sont pas les initiatrices. Elles ont été contactées par des femmes qui, loin d’être fragiles ou vulnérables, ont des attentes particulières et sont déjà dans une remise en cause de la prise en charge hospitalière usuelle.

Disons également que les espaces physiologiques, les Maisons de Naissance – dont aucune n’existe encore en France – et davantage de sages-femmes sont des mesures indispensables à un meilleur vécu pour les femmes et leur conjoint. Ces simples mesures structurelles, préconisées depuis longtemps par l’AFAR< (Alliance Francophone pour l’Accouchement Respecté) réduiraient les coûts pour la collectivité (diminution proportionnelle à la baisse du nombre d’interventions médico-chirurgicales et de leurs éventuelles complications).

L’économie financière serait d’autant plus intéressante pour les Maisons de Naissance qui sont une alternative que la France ne VEUT PAS mettre en place. Elles permettraient, sur une grossesse dite à bas risque, d’économiser 765 euros par femme et par grossesse (10). Il est intéressant de signaler à ce propos l’opposition officielle à ces projets du Collège National des Gynécologues Obstétriciens (CNGOF) (voir 11), de la Société Française d’Anesthésie-Réanimation (SFAR) et du Club Anesthésie-Réanimation en Obstétrique (voir 12).

Pour répondre aux attentes des femmes résidant sur notre territoire, il conviendrait également de « dédiaboliser » l’accouchement à domicile, encore moins coûteux qu’un accouchement en Maison de Naissance pour la collectivité.

Contrairement à ce que prétend l’Académie de Médecine, cette pratique ne présage pas un désastre néonatal quand elle s’inscrit dans le cadre de l’accompagnement global (une femme, une sage-femme, du début de la grossesse en passant par l’accouchement et pour les suites de couches). Il est prouvé qu’il n’est pas plus dangereux pour une femme d’enfanter à son domicile, lorsque les conditions physiologiques et de surveillance préconisées sont respectées, qu’à l’hôpital (voir 13). Ce choix est d’ailleurs encouragé par le ministère de la santé au Royaume-Uni (14).

Il est faux de prétendre que les doulas sont responsables de la demande croissante d’accouchement à domicile cette demande puisqu’elles n’accompagnent que des accouchements où la sage-femme est présente. On ne peut pas ainsi gommer les attentes des femmes en prétextant une instabilité émotionnelle qui les rendrait tout bonnement inaptes à faire des choix éclairés lorsqu’elles sont enceintes. C’est en pleine possession de leurs facultés intellectuelles et parfaitement conscientes de ce que cela implique, tant au niveau des bénéfices que des risques, que certaines font ce choix.

Ce qui est dangereux, ce n’est ni l’accouchement à domicile ni la présence des doulas mais l’absence de choix qui contraindrait éventuellement une femme à accoucher seule chez elle. C’est l’occasion de souligner que les sages-femmes françaises proposant un accompagnement à domicile ne sont plus couvertes par une assurance depuis 2000, que les corporations de médecins ne semblent guère s’en émouvoir et que les pouvoirs publics ne montrent aucun désir de remédier à la situation.

En prenant position avec autant d’aplomb et si peu de références, l’Académie de Médecine signifie simplement son refus d’une profonde remise en cause de pratiques professionnelles parfois nocives aux femmes et à leurs bébés. Elle se met en porte à faux avec le credo de tout bon praticien : « Primum non nocere ».

L’AFAR

L’AFAR a mis à la disposition du public et des professionnels une base de références scientifiques de plusieurs milliers d’articles (16). Ce qui contraste avec les affirmations fausses et dénuées de toute référence dont l’Académie de Médecine se fait l’écho.

Catherine Chaumont
11 juillet 2008