En France les premières doulas ont vu le jour dans le cadre du bénévolat. Des personnes conscientes de certaines difficultés liées à la grossesse, l’accouchement, et le postpartum, ont accompagné des amis, des amis d’amis, des connaissances, en demande de soutien moral et pratique. Cet accompagnement bénévole relève de la vie privée. Il n’est pas du ressort des associations, ni des collèges médicaux, ni des pouvoirs publics, d’intervenir dans la vie privée des gens.
Depuis quelques années on assiste à l’émergence de courants de professionalisation des doulas. Il existe plusieurs formations francophones (1), dont certaines privilégient l’appellation doulas, d’autres accompagnantes à la naissance ou périnatales. Nous utiliserons le terme “doula” au sens large, englobant toutes les formations. La doula entre dans le cadre du “service à la personne”. Sa vocation est de donner un soutien moral et empathique, ainsi qu’un soutien logistique (faire les courses, s’occuper des autres enfants, etc.). Elle s’engage à être disponible, rend visite au domicile en pré- et post-partum, accompagne parfois les parents lors de l’accouchement. En aucun cas cette nouvelle profession ne peut s’apparenter de près ou de loin à des professions médicales ou para-médicales. La doula ne remplace pas les visites médicales avec les professionnels de santé.
L’émergence des doulas répond à un besoin de certains parents. La majorité de ceux qui ont pris le service d’une doula en sont satisfaits. Des études ont d’ailleurs montré l’impact positif d’un accompagnement empathique lors de l’accouchement (2). Nous en prenons acte.
Certaines origines de ce besoin sont bien connues. Le manque de personnel au sein des maternités, mais aussi un certain état d’esprit, font que les parents sont parfois soumis à la technique, dépersonnalisés par les protocoles, et abandonnés à eux-mêmes pendant la majeure partie du temps en salle de travail. Le monitoring et les injections de produits actifs sont supposés pallier le déficit d’attention humaine. C’est pourquoi certains parents souhaitent être accompagnés par une tierce personne – de la famille, ami, ou doula – pendant l’accouchement en maternité. Pendant les périodes pré- et post-partum, le mode de vie actuel laisse souvent les parents dans un grand état d’isolement, sans famille proche, amis ou voisins pour venir
donner un coup de main ou simplement parler. Le manque est particulièrement criant pour les femmes dont la grossesse ou
l’accouchement est difficile, pour les parents de prématurés ou de triplés, ou pour les mères seules, à qui le plus souvent une aide à domicile n’est même pas proposée.
Depuis quelque temps le Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français et le Collège National des Sages-Femmes (4) a déclaré une guerre viscérale (3) aux doulas. Ils opposent systématiquement leur rôle à celui des doulas sur un plan médical, sans parvenir à comprendre qu’elles ne relèvent d’aucune compétence médicale, qu’il n’est bien évidemment pas dans leurs attributions de dépister une complication. Les deux collèges en arrivent même à proférer des inexactitudes, affirmant qu’il n’existe que des infirmières dans les maternités aux USA, alors que les Certified Nurse Midwives exercent dans des hôpitaux et sont bel et bien des sages-femmes (5).
De leur côté, les diverses organisations de doulas peinent encore à définir clairement le champ de leurs compétences, les formations les plus appropriées, ainsi qu’à définir le cadre juridique de leur profession.
Le CNGOF et le CNSF auraient tout bénéfice à se demander sérieusement pourquoi elles existent, et à orienter leurs efforts vers un changement de certaines pratiques. Les pouvoirs publics pourraient aussi se poser des questions sur le manque de sages-femmes en France et leurs conditions de travail parfois déplorables.
Nous sommes une association défendant la liberté de choix et les intérêts des usagers par rapport aux professionnels et aux pouvoirs publics. Nous n’encensons ni ne dénigrons systématiquement l’une ou l’autre profession, pas plus que nous ne les opposons les unes aux autres. Les professions de sages-femmes, médecins, ou doulas, sont complémentaires. Notre rôle est de contribuer à informer loyalement les usagers, à annoncer les évolutions positives lorsqu’il y en a, à dénoncer les abus dont nous avons connaissance. En tant qu’usagers utilisant les services des sages-femmes, médecins, et doulas, nous
donnons aussi notre point de vue sur leurs formations professionnelles lorsqu’un changement nous semble contribuer à l’amélioration des pratiques et au bien-être des familles.
Une démarche active de collaboration constructive rompant avec les habitudes corporatistes serait, nous en sommes convaincus, profitable à tous, usagers et professionnels.
Cécile Loup
Présidente de l’AFAR