Le Devoir, 3 juin 2019 Le Devoir Accompagnante doula avortement

On connaît les « doulas » à l’accouchement, celles qui procurent un soutien émotionnel au moment de la naissance. Mais depuis quelques années, le métier de doula à l’avortement sort de la confidentialité. « Ici, au Canada, les doulas travaillent dans le respect des ordres professionnels. Aucune d’entre nous n’offre des services d’interruption de grossesse comme tels ; nous croyons en l’efficacité du système de santé public. L’idée est d’apporter un complément aux soins », explique Mélina Castonguay, une sage-femme à la naissance de Rimouski, qui oeuvre aussi comme doula-accompagnante à l’avortement.

Les doulas à l’avortement, décrit Mélina Castonguay, ont aussi comme rôle de communiquer aux femmes tous les choix qui s’offrent à elles, pour l’interruption de grossesse. « Nous offrons un soutien d’information et un soutien émotionnel. Plusieurs femmes souhaitent avoir une présence, durant l’intervention médicale en clinique. Nous sommes là pour tenir la main, pour entendre l’histoire d’une personne. » Offrir une information éclairée sur la sédation et la douleur, guider les femmes qui hésitent entre l’option pharmacologique ou en clinique, assurer une présence (optionnelle) avant, pendant et après l’intervention, parfois épauler les patientes qui doivent supporter les insultes de manifestants anti-choix à l’entrée d’une clinique… Les doulas à l’avortement travaillent à offrir un contexte sécuritaire et bienveillant.

Même si, au Québec, l’interruption volontaire de grossesse est gratuite et accessible en tout temps, certains tabous autour de cette intervention perdurent, souligne Mélina Castonguay. « Plusieurs femmes ne savent pas qu’elles ont des droits », dit celle qui milite pour le droit des patientes à être accompagnées dans la salle d’avortement. « Pour moi, il y a un parallèle à faire entre les conjoints et les pères qui, dans les années 1970, ont revendiqué le droit d’être présents dans la salle d’accouchement. »

Une amie qui vous veut du bien

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Sylvie St-Jacques

 

SAUVEGARDE

On connaît les « doulas » à l’accouchement, celles qui procurent un soutien émotionnel au moment de la naissance. Mais depuis quelques années, le métier de doula à l’avortement sort de la confidentialité. « Ici, au Canada, les doulas travaillent dans le respect des ordres professionnels. Aucune d’entre nous n’offre des services d’interruption de grossesse comme tels ; nous croyons en l’efficacité du système de santé public. L’idée est d’apporter un complément aux soins », explique Mélina Castonguay, une sage-femme à la naissance de Rimouski, qui oeuvre aussi comme doula-accompagnante à l’avortement.

Les doulas à l’avortement, décrit Mélina Castonguay, ont aussi comme rôle de communiquer aux femmes tous les choix qui s’offrent à elles, pour l’interruption de grossesse. « Nous offrons un soutien d’information et un soutien émotionnel. Plusieurs femmes souhaitent avoir une présence, durant l’intervention médicale en clinique. Nous sommes là pour tenir la main, pour entendre l’histoire d’une personne. » Offrir une information éclairée sur la sédation et la douleur, guider les femmes qui hésitent entre l’option pharmacologique ou en clinique, assurer une présence (optionnelle) avant, pendant et après l’intervention, parfois épauler les patientes qui doivent supporter les insultes de manifestants anti-choix à l’entrée d’une clinique… Les doulas à l’avortement travaillent à offrir un contexte sécuritaire et bienveillant.

Même si, au Québec, l’interruption volontaire de grossesse est gratuite et accessible en tout temps, certains tabous autour de cette intervention perdurent, souligne Mélina Castonguay. « Plusieurs femmes ne savent pas qu’elles ont des droits », dit celle qui milite pour le droit des patientes à être accompagnées dans la salle d’avortement. « Pour moi, il y a un parallèle à faire entre les conjoints et les pères qui, dans les années 1970, ont revendiqué le droit d’être présents dans la salle d’accouchement. »

Une amie qui vous veut du bien

Certes, sur papier, les services d’avortement sont assurés dans toutes les provinces et tous les territoires du pays, en vertu de la Loi canadienne sur la santé. Trente ans après l’affaire Chantal Daigle, l’avortement est pourtant loin d’être un sujet réglé. Hors des grands centres urbains, l’accès à cette procédure peut s’avérer difficile, indique Frédérique Chabot, d’Action Canada pour la santé et les droits sexuels. Elle explique que les réseaux informels militants forment des réseaux de soutien pour épauler les femmes dans le besoin. « Certaines ont mené des campagnes de sociofinancement, par exemple, pour aider des femmes de provinces maritimes, où l’accès est restreint, à voyager dans des villes pour obtenir un avortement. »

Bien évidemment, la philosophie du mouvement n’est pas de banaliser l’avortement, mais bien de travailler dans un objectif de sécurité, de confidentialité et de soutien. En matière de droit reproductif, l’histoire et la recherche montrent que l’agentivité et la légalité sont les meilleures alliées des femmes. Une étude de l’Institut Guttmacher montre que les taux d’avortement sont similaires dans les pays où l’accès à l’avortement est restreint et dans ceux où cette pratique est légale. En fait, la seule chose qui change, quand l’avortement devient illégal, c’est que les femmes sont plus susceptibles de se soumettre à des procédures risquées.

Il reste encore beaucoup de stigmates autour de l’avortement. On pense souvent que cette question touche de très jeunes femmes, mais ce n’est pas toujours le cas.
— Nathalie Héron

À Montréal, l’organisme Projet d’accessibilité à l’avortement Montréal (PAAM) fondé par l’éducatrice sexuelle Melissa Fuller, se consacre à démystifier l’accès à l’avortement, en dispensant notamment des formations d’accompagnement (doulas) à l’avortement. L’organisme Brooklyn Doula Project y était récemment de passage, pour dispenser une formation de doulas.

« Parfois, la personne n’a pas le droit de retourner seule chez elles après l’intervention. On peut aussi offrir de l’appui par textos ou par téléphone, qui peut d’ailleurs se poursuivre après que la personne a vécu un avortement, au besoin », souligne Nathalie Héron, porte-parole de PAAM, qui évoque aussi le besoin de donner aux femmes le pouvoir de prendre les meilleures décisions. « Il reste encore beaucoup de stigmates autour de l’avortement. On pense souvent que cette question touche de très jeunes femmes, mais ce n’est pas toujours le cas. À PAAM, nous épaulons des femmes plus âgées, certaines ont deux ou trois enfants. Parfois, il s’agit de femmes qui vivent des relations abusives et sont confrontées à beaucoup de jugement dans leur environnement immédiat. »

Cela dit, le Québec accuse du retard en matière d’utilisation de la pilule abortive, en comparaison avec d’autres provinces, révélait une récente recherche réalisée par la Dre Édith Guilbert, chercheuse au Groupe de recherche sur l’avortement et la contraception à l’Université Laval. De fait, seulement 5 % des doses de Mifegymiso vendues au Canada l’ont été au Québec, depuis que le produit est disponible (en juillet 2018.) Les risques de complications associés à l’utilisation de la mifepristone sont très faibles et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que son utilisation peut être gérée sans avoir à se rendre chez un médecin, en s’assurant toutefois que les femmes soient adéquatement guidées.

« Bien qu’elle soit sur le marché, l’accès à la pilule abortive demeure difficile. Plusieurs médecins de famille aimeraient la prescrire, mais n’en ont pas le droit puisque, à l’heure actuelle, le Collège des Médecins exige une formation en matière d’interruption de grossesse en clinique », explique Mélina Castonguay. « Il y a un questionnement à faire sur le fait que tant de formation soit requise pour un médicament aussi sécuritaire. »

Sylvie St-Jacques